Vague de chaleur extrême aux États-Unis: les ouvriers sans-papiers en première ligne

7 juin 2023

Texte par : David Thomson

Fernanda (à gauche), ouvrière agricole sans-papiers à Miami, et Sandra (à droite), elle aussi ouvrière agricole sans-papiers depuis seize ans, demandent de meilleures conditions de travail face aux chaleurs extrêmes. © David Thomson / RFI

Avec notre correspondant à Miami,

Tous les jours, dès 7 heures du matin, Fernanda est à la tâche sous un soleil de plomb. Jusqu’à 16 heures, la jeune femme originaire du Guatemala travaille dans une des pépinières qui s’étalent tout atour de Miami.

Toute la journée, Fernanda coupe, taille et porte des plantes en pot de plusieurs kilos. Un travail physique éprouvant en temps normal. Mais encore plus fatigant ces derniers jours en raison des températures extrêmes qui frappent le sud des États-Unis, d’autant plus pour Fernanda, enceinte de quatre mois.  

« Cette chaleur affecte tous les travailleurs, mais encore plus les femmes enceintes. Comme moi, beaucoup de femmes enceintes sont forcées à porter des choses lourdes. On demande que ces abus s’arrêtent, parce que cette chaleur, c’est vraiment difficile pour les femmes enceintes. La chaleur provoque des migraines terribles, des vomissements et des crampes », déplore-t-elle.  

Avec ces chaleurs extrêmes de plus en plus fréquentes, travailler dans les champs du sud des États-Unis devient dangereux. En Floride, ces ouvrières sont particulièrement vulnérables. Beaucoup comme Fernanda sont en situation irrégulière, ne bénéficient d’aucune protection et risquent donc l’expulsion. Mais l’intensité de la crise climatique et le danger pour leur vie les a décidées à se mobiliser pour demander de meilleures conditions de travail à leur employeur.  

« Les immigrés sans-papiers qui travaillent dans ce pays méritent d’être traités avec dignité, comme des êtres humains, explique Sandra, originaire du Salvador, qui travaille depuis seize ans dans les pépinières de Floride. Tout ce que je veux, c’est être entendue, et ne pas être traitée comme un animal. Nous sommes humains et nous souffrons de cette chaleur extrême. C’est pour cela que nous nous battons : nous demandons de l’eau, de l’ombre et des temps de repos dans nos journées travail. » 

 

Mobilisation des associations environnementales

 

Depuis Miami, plusieurs organisations environnementales soutiennent ces ouvrières sans-papiers. « Dans le comté de Miami, nous avons des centaines de milliers de travailleurs en extérieur. Ils travaillent dans l’agriculture, la construction, le jardinage, et beaucoup de domaines qui sont vitaux pour notre économie », indique Oscar Londonio, directeur adjoint de l’ONG WeCount.

Les activistes écolo face aux climato-sceptiques

En Floride, le gouverneur Ron DeSantis est même opposé aux mesures visant à limiter le réchauffement climatique, qu’il qualifie de « trucs de gauchistes », au grand dam des écologistes locaux.

Sur son téléphone, Adam Roberti est connecté sur le site de la fondation Cortada, qui montre une projection de la montée des eaux à Miami. © David Thomson / RFI

 

 « Toute personne qui s’inquiète pour l’environnement est qualifiée de woke par le gouverneur, regrette l’éco-artiste Xavier Cortada, dont la fondation tente de sensibiliser l’opinion au changement climatique. Nier la science, c’est vraiment ce qui détruit le futur de cette planète. »  

Dans le Sud conservateur des États-Unis, beaucoup ont encore du mal à admettre la réalité du réchauffement climatique. Un déni contre lequel Adam Roberti, directeur de la fondation Cortada, essaye de lutter en distribuant des affiches artistiques illustrant les zones des quartiers de Miami menacés par la montée des eaux.  

 « C’est effrayant de voir combien ce déni radical est répandu, s’inquiète Adam Roberti. Les gens répètent ce qu’ils entendent sur Fox News. Que le changement climatique ne serait qu’un canular communiste. Tout simplement parce qu’ils ne veulent entendre parler des régulations qui permettraient de lutter contre le changement climatique. » 

Pourtant, la Floride est aux avant-postes du changement climatique, avec une autre menace : celle de la montée du niveau de la mer, qui pourrait transformer Miami en un vaste marécage invivable d’ici à une cinquantaine d’années. 

 

Article original: https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230706-vague-de-chaleur-extr%C3%AAme-aux-%C3%A9tats-unis-les-ouvriers-sans-papiers-en-premi%C3%A8re-ligne